Le test de Bechdel, aussi appelé Bechdel-Wallace test, est un outil d’analyse simple mais percutant qui permet de mesurer la place des femmes dans les œuvres de fiction, et en particulier au cinéma. Si vous vous intéressez aux représentations dans les films, aux questions de genre ou à l’égalité entre les sexes, vous avez peut-être déjà entendu parler de ce test. Créé presque par hasard, il est aujourd’hui un incontournable des discussions sur la représentation féminine dans la culture populaire. Mais que signifie-t-il exactement ? Et surtout, pourquoi est-il toujours pertinent aujourd’hui, près de quarante ans après sa création ?
Une origine dans la bande dessinée
Le test de Bechdel tire son nom d’Alison Bechdel, une autrice de bande dessinée américaine connue notamment pour son roman graphique Fun Home. L’idée du test est apparue pour la première fois en 1985 dans une de ses planches de la série Dykes to Watch Out For (« Lesbiennes à suivre »). Dans cette scène, un personnage féminin explique qu’elle n’ira voir un film que s’il remplit trois critères bien précis :
- Il doit y avoir au moins deux personnages féminins,
- Elles parlent ensemble,
- Leur conversation doit porter sur autre chose qu’un homme.
À première vue, cela peut sembler être une exigence minimale. Pourtant, un nombre surprenant de films, y compris parmi les plus populaires, échouent à répondre à ces trois conditions.
Un outil d’analyse socioculturel
Il est important de comprendre que le test de Bechdel n’est pas un indicateur de la qualité artistique ou narrative d’un film. Ce n’est pas non plus un outil de validation féministe. Il ne dit pas si un film est sexiste ou non. Son rôle est davantage de révéler les tendances structurelles du cinéma, et plus largement de la fiction, en mettant en lumière l’effacement des personnages féminins autonomes.
Quand un film ne réussit pas le test, cela ne veut pas dire que le film est mauvais ou misogyne. Cela veut dire qu’il ne donne pas aux personnages féminins une place suffisante pour qu’elles puissent exister indépendamment du regard ou de l’histoire des hommes. Et quand on constate que beaucoup de films échouent à ce test, cela dit quelque chose de plus profond sur la manière dont les femmes sont représentées dans nos sociétés.
Un test simple, des implications profondes
Le test de Bechdel permet de poser des questions essentielles : qui parle dans un film ? Qui est au centre de l’histoire ? Qui possède une voix, une trajectoire propre, une existence complexe ? Il aide à comprendre que le cinéma, en tant que miroir (et parfois moteur) de la culture dominante, reflète souvent une vision du monde centrée sur les hommes.
Prenons l’exemple d’un blockbuster d’action, d’une comédie romantique ou même d’un drame primé aux Oscars. Combien de fois y voit-on deux femmes discuter ensemble d’un sujet qui n’a rien à voir avec un homme ? Peu souvent. Et lorsque cela arrive, c’est parfois dans des scènes très secondaires, presque anecdotiques
Des films célèbres qui échouent (et d’autres qui réussissent)
Beaucoup de films très connus échouent au test de Bechdel. C’est le cas, par exemple, de La Guerre des étoiles : Un nouvel espoir (1977), où seule la princesse Leia tient un rôle féminin notable. Elle n’a aucune conversation avec une autre femme. Idem pour Le Seigneur des anneaux : La Communauté de l’anneau (2001), qui, malgré la richesse de son univers, ne donne que très peu de place aux interactions entre personnages féminins.
À l’inverse, des films comme Les Filles du docteur March (2019), Mad Max: Fury Road (2015) ou Portrait de la jeune fille en feu (2019) réussissent haut la main le test, tout en étant acclamés par la critique. Cela montre qu’il est possible de créer des œuvres fortes et captivantes tout en donnant une véritable place aux femmes à l’écran.
Un test nécessaire, mais insuffisant
Il faut cependant nuancer l’impact du test de Bechdel. Comme tout outil d’analyse, il a ses limites. Par exemple, un film peut parfaitement passer le test tout en véhiculant des stéréotypes sexistes ou en mettant en scène des femmes sans véritable profondeur psychologique. De même, un film centré sur une relation hétérosexuelle — donc ne passant pas le test — peut proposer des personnages féminins très bien construits et nuancés.
C’est pourquoi d’autres tests ont vu le jour, comme le test de Mako Mori, qui demande simplement qu’un film comporte au moins une femme avec une histoire propre qui ne soit pas au service de l’histoire d’un homme. Ou encore le test de DuVernay, centré sur la diversité raciale et ethnique.
Le test de Bechdel reste donc un point de départ : il nous invite à regarder autrement les récits auxquels nous sommes exposé·es, à interroger ce qu’ils nous montrent, mais aussi ce qu’ils omettent.
Pourquoi cela vous concerne, en tant qu’étudiant
En tant qu’étudiant, que vous soyez cinéphile, créatif, ou simplement attentif aux enjeux de société, comprendre et utiliser le test de Bechdel peut vous aider à développer un regard critique sur les œuvres que vous consommez ou que vous créez. C’est un outil précieux pour repérer les inégalités et les biais culturels, et pour penser des histoires plus inclusives, plus justes, plus représentatives de la diversité humaine.
En somme, le test de Bechdel est bien plus qu’un simple filtre. C’est un révélateur des mécanismes culturels qui façonnent notre imaginaire collectif. L’appliquer, en discuter, le dépasser parfois, fait partie d’un travail essentiel : celui de réfléchir à la manière dont nous représentons le monde… et celles et ceux qui le peuplent.
Découvrez les formations de notre école de cinema et audiovisuel :